top of page
test bannière ordi.png

Préface de Pascal Ory, Historien, membre de l'Académie Française et directeur de scientifique de France Mémoire, sous le parrainage d’Edgar Morin et la chaire Unesco

Art pour tous, art pour chacun ?

Il y a toujours eu un art pour tous, dans toutes les sociétés : l’art sacré. Il est question ici de propagande (le mot vient de là : « Propagation de la Foi »), qui met les techniques humaines (les « arts ») au service des causes suprêmes. Au fond il n’y a pas d’Art tant que le sacré est monopolisé ailleurs. Depuis un demi-millénaire environ les choses ont commencé de changer ; un mouvement s’est mis en branle, un mouvement dialectique, qui a mis en avant deux acteurs. 

​L’un est, pour tout dire, un vieil acteur, un peu fourbu, mais toujours prêt à servir : le Peuple. Aujourd’hui la quasi-totalité des états du monde, de l’Islande à la Corée du nord, sont des démocraties (régimes de souveraineté populaire), même si ce sont majoritairement des démocraties autoritaires. Cette formule n’est un oxymore que pour celles et ceux qui assimilent Peuple et Liberté : l’histoire du monde contredit incessamment cette assimilation qui participe du wishful thinking -en bon français : prendre ses désirs pour des réalités-. Il n’y a qu’un seul régime qui intègre liberté et souveraineté populaire : c’est la démocratie libérale. Elle est présentement très minoritaire, et plutôt en recul.

Le second acteur est plus jeune. C’est l’individu. Non qu’il n’y ait pas eu d’individus dans les temps prémodernes (les peintres de la grotte de Lascaux étaient des individus, contrairement à ce que veut croire toute une pensée holistique). Ce que la modernité a inventé, c’est l’individualisme. C’est aujourd’hui, et de loin, le moteur principal des activités humaines, sur les trois plans qui résument lesdites activités : économique, politique, culturel. L’Avant-garde -cette métaphore militaire qui faisait rire Baudelaire- n'a pu s’imposer, à toutes les générations modernes, que grâce au marché. La force de l’individualisme tient à la conjonction -pour ne pas dire : à la confusion- qu’il a réussi à instaurer, au long des derniers siècles, entre « libération », collective, et « autonomie », individuelle. 

Chacune de ces lignes a produit ses institutions spécifiques – par exemple, dans l’ordre, et pour rester sur le terrain français, le Théâtre National de l’Opéra de Paris, les Fonds Régionaux d’Art Contemporain, la Bibliothèque Publique d’Information-.

C’est à cette lumière que le projet Arts-pour-Tous peut être analysé. Au XXIème siècle, apogée de la souveraineté populaire, donc apogée de l’état-nation -a contrario de ce que prophétisait la Révolution de l’ère progressiste, au lendemain de la Seconde guerre mondiale-, aucun gouvernant ne peut faire, sur le terrain de la culture comme sur tous les autres, l’économie d’un discours à connotation populaire, même si, par ailleurs, sur le terrain, il ne ménage pas ses efforts en direction des deux premières lignes. Mais toute victoire se paye et l’emphase mise sur le pour-tous pose au moins autant de questions qu’il en résout. Car elle est deux fois à double entente. D’une part il importe de distinguer entre l’ouverture des arts à toutes les formes d créativité « subalternes » et la diffusion des arts dans les populations. Rhétoriquement ces deux projets peuvent s’associer, mais, dans leur source comme dans leur réalisation, ils sont indépendants l’un de l’autre et peuvent donc se révéler contradictoires. De l’autre la contemporanéité historique du libéralisme et de la démocratie moderne -qui résume intellectuellement la modernité- conduit à confondre le pour-tous avec le pour-chacun. Les artistes pas trop aveuglés par la religion culturelle le vivent tous les jours. Et là aussi la conciliation des deux projets est plus affaire de talent rhétorique que de génie politique.

Pascal Ory

Préface de Jacques Serrano, concepteur de la Semaine de la Pop Philosophie

L'Art est-il vraiment émancipateur ?

​​

Depuis des décennies, une croyance persiste : l’art, dans toute sa diversité, constituerait un vecteur d’émancipation pour tous. Cette idée mérite pourtant d’être remise en question. Peut-on vraiment affirmer que l’art possède intrinsèquement ce pouvoir positif de transformation sociale et personnelle, ou bien s’agit-il d’une illusion entretenue par les discours bien-pensants des politiques et des opérateurs culturels ?

Structurant cette croyance, le slogan « l’art pour tous » semble prometteur et inclusif. Il repose cependant sur une ambiguïté profonde. L’art est souvent présenté comme une expérience accessible à chacun. Pourtant, comme l’histoire de l’art, notamment du XXe siècle, nous le montre, l’art ne consiste pas en une simple rencontre spontanée avec une œuvre, mais avant tout en un processus de réflexion, en une démarche intellectuelle. L’art demande aujourd’hui des efforts et de la motivation, afin de s’ouvrir à une réflexion qui dépasse la simple consommation culturelle.

L’idée d’une accessibilité universelle de l’art est séduisante. Mais force est de constater que l’objectif qu’elle se donne n’est que très partiellement atteint, en raison d’un malentendu, entretenu par les médiateurs culturels. Non seulement leurs discours s’avèrent déconnectés des attentes et des besoins du public, mais en outre ils tendent à renforcer une forme de mépris envers ceux qui ne s’y retrouvent pas.

Loin d’opérer une critique de l’art en lui-même, il s’agit ici de questionner l’hégémonie du discours qui entoure l’art. Pourquoi cette insistance à présenter l’art comme la voie royale vers l’émancipation ? Il est assurément possible que certains puissent s’émanciper à travers l’art. Mais faire de ce phénomène une règle générale et privilégiée est trompeur. Cette croyance tend à ignorer et invisibiliser la diversité des chemins d’émancipation que chacun peut emprunter, en dehors du cadre artistique.

En outre, comment peut-on vendre « l’art pour tous », quand les vrais professionnels de l’art eux-mêmes ne cessent de s’interroger sur la définition et le sens de l’art aujourd’hui ? C’est pourtant ce que font les opérateurs de la culture, prétendant, de fait, détenir une compréhension claire et stable de l’art. Ils en font pourtant un mot-valise, induisant la plupart des gens en erreur. A contrario, l’enjeu est de repenser notre rapport à l’art et à la culture de manière plus exigeante. Une telle tâche doit passer par une révision des stratégies culturelles. Axées aujourd’hui sur la quantité plutôt que sur la qualité de la rencontre artistique, ces stratégies, démagogiques, échouent à attiser la curiosité et le désir, décevant immanquablement les attentes du public.

Plutôt que de multiplier les initiatives culturelles sans questionner leur pertinence, plutôt que de privilégier la fréquentation au détriment de la création, il est temps de reconnaître que l’art n’est ni simple ni évident. Dissiper cette croyance par une réflexion éclairée est toute l’ambition de la seizième édition de la Semaine de la Pop Philosophie.

Jacques Serrano

Cette semaine sera l’occasion de réfléchir, avec des personnalités du monde intellectuel et politique, sur la notion d’« Art pour tous » et le rôle du monde de la culture en terme d'émancipation des publics afin d'imaginer d’autres possibles. Sortir de l’illusion et de la croyance au profit d’une réflexion éclairée, partant des réussites mais aussi des échecs engendrés par ce beau rêve est tout l’enjeu de cette XVIème édition. 

 

« L'Art pour tous » serait-il devenu un slogan vide de sens, une assertion dans laquelle le peuple ne se retrouverait pas et qui dénoterait même involontairement un certain mépris à son égard ?

 

Jacques Serrano, concepteur de cette manifestation, porte un regard étonné sur ces missionnaires de la culture pleins de bonne volonté et de bons sentiments qui ne cessent, depuis des décennies, d'entretenir l'idée que le spectateur a besoin d'eux pour l'aider à ouvrir les yeux sur le monde, délaissant parfois la création au profit de la fréquentation. 

 

Comme le rappelle le philosophe Christian Ruby, empruntant les mots du metteur en scène Peter Brook, « Toutes ces formes de racolage […] jouent dangereusement sur cette même affirmation : venez partager avec nous notre art de vivre, qui est bon puisqu’il est fait de ce qu’il y a de meilleur » (Espace Vide, 1968).

RÉSERVATIONS CONSEILLÉES : resapopphilo@gmail.com

Programme

NAPLES

AVANT-PREMIÈRE – LUNDI 30 SEPTEMBRE

Institut Français de Naples - 18h

« L’art, une déception efficace », 

Avec Francesco Masci, philosophe.

Suivi d'une table ronde animée par Raffaele Carbone, professeur de l'Histoire de la Philosophie à l'Université Federico II, et en présence de Francesca Amirante, Historienne de l'Art et co-fondatrice du Progetto Museo, Olga Scotto di Vettimo, Professeure de la Théorie de l'Art Numérique à l'Accademia di Belle Arti, et Sylvain Bellenger, Historien de l'Art et directeur du Musée de Capodimonte de 2015 à 2023.

MARSEILLE

PRÉFIGURATION – VENDREDI 4 OCTOBRE

Centre de la Vieille Charité - 18h // COMPLET

2 rue de la Charité, 13002 Marseille

« L’art pour tous : illusion ou mépris ? », 

Jean-Marie Schaeffer, philosophe. 

Suivi d’un échange avec Jacques Morizot, philosophe.

SAMEDI 12 OCTOBRE

Musée d'Art Contemporain (MAC) - 14h30

69 avenue d'Haifa, 13008 Marseille

« L’art ou l’insubordination au service de l’ordre établi »,

Francesco Masci, philosophe. 

15h30

« Quel art peut donc convenir à tous/toutes ? »,

Christian Ruby, philosophe.

Rencontres suivies d'un échange avec Emmanuel Wallon, sociologue.

Présentation de l'Observatoire des publics et des pratiques de la culture par Sylvia Girel.

DIMANCHE 13 OCTOBRE

Théâtre des Bernardines - 15h

7€ (tarif réduit*) - 10€ (plein tarif)​

13 boulevard Garibaldi, 13001 Marseille

« Jean Vilar et après »,

Robin Renucci, comédien, metteur en scène directeur du Théâtre national de la Criée. 

Suivi d'un échange avec Olga Bibiloni, journaliste La Provence.

LUNDI 14 OCTOBRE

MUCEM - 19h

1 esplanade J4, 13002 Marseille

« Ouvrir les musées »,

Constance Rivière, directrice générale du Palais de la Porte dorée.

Introduction par Pierre-Olivier Costa, président du Mucem. Suivi d’un échange avec Marie-Charlotte Calafat, directrice scientifique et des collections du Mucem et Fabrice Raffin, socio-anthropologue.

MARDI 15 OCTOBRE

Cité de la Musique, Auditorium  -  19h

5€

Rue Bernard du Bois, 13001 Marseille

« La sociologie des formes musicales face aux apories de la démocratisation »,

Jean-Louis Fabiani, sociologue de la musique, et Sylvain Bourmeau, directeur et fondateur de la revue AOC.

MERCREDI 16 OCTOBRE

Bibliothèque Gaston Defferre -  9h

18-20 rue Mirès, 13003 Marseille

Les Clés de la Philo

En partenariat avec Lumni, plateforme éducative de l’audiovisuel public, en présence de 5 classes de lycées de Marseille et du département des Bouches-du-Rhône.

Master Classe avec Léa Veinstein, auteure des Clés de la Philo et Olivier Marquezy, réalisateur de cette série disponible sur Lumni.fr.

Bibliothèque le Merlan, avec la complicité du Théâtre ZEF  -  16h

Avenue Raimu, 13014 Marseille

« Penser la relation entre le théâtre et le peuple ou comment sortir de l'entre-soi »,

Marjorie Glas, socio-historienne du théâtre.
Suivi d'un échange avec Juliette Cerf, journaliste Télérama.

Bibliothèque de l'Alcazar -  18h

58 cours Belsunce, 13001 Marseille

« L'art du slow »,

Christophe Apprill, sociologue-danseur. Performance.

19h

« Un théâtre démocratique »,

Olivier Neveux, historien du théâtre.
Suivi d'un échange avec Juliette Cerf, journaliste Télérama.

JEUDI 17 OCTOBRE

Villa Bagatelle  -  18h30

125 rue du Commandant Rolland, 13008 Marseille

« Imagination et promesse»,

Marina Garcés, philosophe.
Suivi 
d'un échange avec Arnaud Gonzague, journaliste, rédacteur en chef adjoint du magazine Le Nouvel Obs.

Suivi de

« Une anatomie de l'obscène : la prestidigitation contre-modèle de "l'art pour tous"  »

Alain Poussard, philosophe.
Suivi 
d'un échange avec Jacques Serrano, directeur de la Semaine de la Pop Philosophie. 

VENDREDI 18 OCTOBRE

Muséum d'Histoire Naturelle, Musée des Beaux-Arts / Palais Longchamp -  18h

Palais Longchamp, rue Espérandieu, 13004 Marseille

« L'ouverture du Louvre au public en 1793, une aventure moderne et révolutionnaire  »

Dominique de Font-Réaulx, directrice de la programmation du Musée du Louvre.

18h45

« Pour aller au musée il faut avoir la possibilité de "voir"  »

Françoise Gaillard, philosophe et historienne des idées. 

Rencontres suivies d’un échange avec Luc Georget, conservateur du Musée des Beaux-Arts de Marseille et Anne Médard, conservatrice en chef du patrimoine et responsable du Muséum d'histoire naturelle de Marseille.

SAMEDI 19 OCTOBRE

Ateliers Jeanne Barret -  18h30

5 boulevard de Sévigné, 13015 Marseille

« Discrétion volontaire, pour une pratique élitiste de l'art  »

Jean-Baptiste Farkas, artiste.

Suivi d'un entretien avec Éric Mangion, auteur, théoricien de l'art, ancien directeur de la Villa Arson et actuellement directeur du FRAC Occitane.

RÉSERVATIONS CONSEILLÉES : resapopphilo@gmail.com

LOGO.jpg
jan michalski.png
département.png
CMJN 532-Bleu-Logo-com-Stock.jpg
Aix-Marseille_université_(logo).png
libraires du sud.png
IIC-colore-marsiglia.jpg
logo-ville-marseille.png
logo-vectoriel-region-sud-provence-alpes-cote-d-azur-noir.jpg
LogoDrapeau_noir.png
bibliothèque marseille.png
LogoSofia-vector2-1.png
logo_copie_privee_noir-1.jpg
aoc.png
Capture d’écran 2024-07-24 à 17.33.03.png
Télérama_logo.png
Logotype_Musées-de-Marseille.png
images.png
Museum musées_gauche.jpg
mucem.png
Nouveau-Logo-La-Provence-1024x207.jpg
Logo Revue Esprit Noir.jpg
crous_marseille_couleur.png
Les-théâtres bernardines.png
LogoLumniNoir_Baseline.png
francetv plateforme - logo-01.jpg
logo-cite-musique_JPG.jpg
jeanne barret.jpeg
nouvel_obs_logo.png
bottom of page